jeudi 7 juillet 2016

LA MORALE DANS LA PHILOSOPHIE DE MAÎMONIDE

DEDICACE


« A l’Eternel Dieu, le créateur des cieux et de la terre, pour la force, les bénédictions et les multiples bienfaisances dont nous avons été bénéficiaire. Loué soit son nom saint »

A la sainte vierge Marie, mère de Dieu et notre mère, qui ne cesse d’intercéder pour nous.

A vous nos très chers parents BAH’OGWERHE BASHWIRA et Annotiata M’KAVANGA pour les sacrifices consentis pour nous ;

A toute la famille de BASHWIRA pour ses prières et affections à notre égard.

A la congrégation des Missionnaires de Jésus et de Marie (Mallorca),

A tous nos amis et ceux qui de loin ou de près ont contribué à la réalisation de ce travail.

A tous ceux qui se consacrent aux autres,
A vous tous qui luttez pour la sauvegarde des bonnes mœurs dans nos sociétés,


Nous dédions ce travail.




AVANT – PROPOS


La question de la morale est l’une des questions clés de la vie en société. Le cours de philosophie morale et bien d’autres cours nous ont permis d’assimiler les notions essentielles sur la morale, notion sans lesquelles nous n’aurions pas pu aborder ce travail. En effet, le thème du présent travail nous permet à la fois d’aborder le fondement de la morale chez Maïmonide et de contribuer à notre manière à donner quelques solutions à la dégradation des mœurs dans notre société et favoriser la restauration des valeurs culturelles.

Nous remercions l’Eternel Dieu tout puissant qui, depuis notre naissance, ne cesse de nous garder et nous accorder le souffre de vie en vue d’un avenir meilleur, et la Sainte Vierge Marie pour son intersession.

Il nous tient à cœur de remercier notre directeur Martine Madeleine MINKADA, qui, nonobstant ses multiples occupations, a accepté de mettre son temps et son attention à la réalisation de ce travail. C’est un sacrifice que seul Dieu pourra récompenser.
Que le corps professoral de l’Institut Saint-Joseph-Mukasa qui, de manière efficace, a contribué à notre formation philosophique, reçoive nos très sincères remerciements.
Nous présentons également notre gratitude à nos parents BAH’OGWERHE BASHWIRHA et M’KAVANGA qui, malgré la conjoncture actuelle, sont restés fidèles à leur devoir et à leur engagement.
Que tous les membres de la famille de BASHWIRA LUGALIKA, de la congrégation des Missionnaires des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie et toutes nos connaissances trouvent ici tout notre sentiment de gratitude pour leur soutien.

Nous remercions également nos amis avec lesquels nous faisons ce chemin si difficile de la philosophie.



INTRODUCTION


La question de comment l’homme doit-il mener une vie bonne et quelles en sont les conditions est au centre de la réflexion morale depuis l’Antiquité. Elle résume pour cela l’exigence d’une éthique. Il s’agit donc de savoir comment on doit mener une vie meilleure possible. Dans cette optique, Cicéron affirme que « tout ce qui concerne les devoirs, consiste en deux sortes de recherches : l’une, qui a pour objet la connaissance du souverain bien, l’autre, celle des préceptes applicables dans tous les cas, à la conduite ou à la pratique de la vie ».[1] C’est dans ce sens que pour Lalande, la morale est « l’ensemble des règles de conduite admises à une époque ou par un groupe d’hommes »[2].
Maïmonide, né en 1135 et mort en 1204, est un philosophe et théologien juif. Il s’inscrit dans la droite ligne de la morale des Anciens. En effet, les Anciens conçoivent la morale sous deux points de vue distincts. La morale du point de vue pratique, impliquant des préceptes, des maximes générales pour réglementer la conduite de la vie. Ces maximes sont le résultat de l’expérience, de l'observation attentive du cours des choses et des évènements dans les sociétés humaines; le fruit de l'étude du cœur humain, de ses penchants naturels et de ses passions et la morale du point de vue théorique ou dogmatique, comprenant l’exposition des recherches des philosophes sur le souverain bien, considéré comme le but principal et essentiel de la vie.
Au début du texte résumant sa pensée morale, Maïmonide distingue quatre espèces de perfection qu’on trouve chez l’homme : la perfection de la possession, la perfection dans la conformation et la constitution du corps, la perfection des organes corporels, et la perfection qui se rapporte uniquement à l’homme comme on rapporte la perfection à la puissance, puisque la puissance sans la perfection ne peut jamais exister. Notons que cette conception de la perfection a été influencée successivement par Aristote et Avempace. Dans l’Ethique à Nicomaque, Aristote distingue trois espèces de biens dont les biens extérieurs, ceux de l’âme et ceux du corps. Reprenant cette distinction, Maïmonide relève en outre que les biens de l’âme incarnent deux espèces de perfection : les qualités morales et les qualités intellectuelles. En effet, ce penseur développe différents degrés de vertu humaine dans son Traité des huit chapitres et décrit la nature de l’homme. En insistant sur la question du libre arbitre, il montre en outre que la liberté humaine est limitée par la  force et la volonté universelles de Dieu.
En posant le problème de l’action bonne, Maïmonide y répond par le biais d’une idée exprimée et développée par Aristote : « l’action bonne est l’action équilibrée, l’action qui se tient à l’égale distance des extrêmes. Inversement, le mal a deux aspects, l’excès et le défaut »[3]. La reprise des idées d’Aristote implique-t-elle son influence totale sur notre auteur ? La réponse à cette question nous paraît négative, dans la mesure où le principe parfaitement conforme au judaïsme selon Maïmonide se résume dans la conduite harmonieuse et équilibrée. C’est ainsi qu’il pouvait librement utiliser certaines analyses d’Aristote. Dans ses écrits, Maïmonide montre comment se définit une conduite équilibrée. Cela à travers la Tora. Il affirme en effet que « la Tora a voulu que l’homme, selon sa nature, se conduise selon une voie équilibrée, qu’il mange ce qui lui est permis de manière équilibrée »[4]. On peut comprendre par ces  propos que c’est la Tora qui détermine le juste milieu.
Ainsi, s’il s’est inspiré d’Aristote, on peut se questionner sur le fondement et l’origine de la morale de Maïmonide. Quelle est son originalité? Une morale qui semble tirer son origine dans la Bible peut-elle s’appliquer dans tous les milieux? Quelle est la conception maïmonidienne de Dieu ? Quelle peut être l’importance de cette morale dans notre société actuelle ? Pour répondre à cette problématique, notre travail s’articule sur trois chapitres. Le premier porte sur la conception maïmonidienne de l’homme. Dans ce chapitre, nous cherchons à saisir l’homme d’après Maïmonide. Le second chapitre s’articule autour de la morale pratique et théorique. Il nous permet d’appréhender la conception maïmonidienne de la morale. Et enfin, le troisième chapitre porte sur l’impact de la pensée morale de Maïmonide. Dans ce chapitre, nous tâchons de desceller l’influence de cette pensée sur d’autres penseurs et son importance dans notre société aujourd’hui.



Chap. I.  LA CONCEPTION MAÏMONIDIENNE DE L’HOMMME


Dans leur vie quotidienne, les hommes se posent toujours des questions sur la raison de leur existence et sur les règles qui doivent présider à leur conduite. Face à cette question, plusieurs réponses ont été et sont encore proposées. Aucune cependant ne peut prétendre résoudre l’énigme du pourquoi de cette existence elle-même, mais chacune présente un intérêt particulier pour l’établissement d’une éthique. Il importe de noter que l’orientation qu’on donne à celle-ci dépend d’une perspective que l’homme propose ou adopte. C’est ainsi que la perspective religieuse fonde la morale essentiellement sur le dogme ou sur l’intuition mystique. La perspective sociale pour sa part  considère l’homme seulement sous l’angle de la collectivité. L’homme étant au centre du problème moral mérite d’être connu. Il revient  alors de s’interroger sur cet homme. Quelle est en fait sa nature ? Qu’en est-il de ses composantes ? Quelle est l’instance déterminante dans son agir ? A-t-il la pleine liberté dans l’accomplissement de son action ? Face à cette problématique, Maïmonide centre sa morale sur la connaissance anthropologique et psychologique.

I.1. DE LA DIMENSION SOCIALE ET MORALE


I.1.1.   La nature de l’homme


La connaissance de ce que l’homme doit être et doit faire de son existence ne peut se fonder que sur la connaissance de ce qu’il est. L’homme est censé d’abord se connaître avant  l’accomplissement de tout acte. Comment peut-il briser les mystères de sa connaissance. Il est bel et bien reconnu que l’homme a toujours été à ses yeux et à ceux de l’autre comme un mystère. Ainsi, il est difficile à saisir. L’originalité de Maïmonide dans sa conception de l’éthique consiste à fonder cette dernière sur la connaissance psychologique et anthropologique de l’homme.
En effet, la formation morale de l’homme est essentiellement personnelle selon qu’il est isolé ou en communauté. Il existe un lien entre l’individu et le groupe : « l’influence du milieu ou des circonstances tend à façonner l’individu dans son comportement et dans son caractère, nullement la personne dans sa conscience morale et dans son pouvoir de transcendance »[5]. Mais, l’homme doit se découvrir lui-même, en particulier dans sa liberté et sa responsabilité. C’est par une expérience subjective qu’il prend conscience de la valeur de ses actes. Notons que l’éducation a pour mission de former l’intelligence. Cependant, elle ne saurait seule octroyer à l’homme le sentiment profond de l’obligation morale ; elle lui inculquerait seulement les préceptes pratiques. La personnalité morale naît du sentiment profond d’obligation inséparable de l’appréciation des données supérieures sur le plan de la conscience morale. C’est au niveau de la conscience morale que les hommes communient entre eux.
Dans sa conception de l’homme, Maïmonide soutient que les hommes sont comme étagés de bas en haut de l’échelle du bien. Dans cette échelle, il relève que l’homme supérieur est celui qui est naturellement bon  celui qui fait le bien comme il respire, ou qui a le mérite de l’effort. Cette position de Maïmonide n’a pas fait l’unanimité dans les milieux scientifiques. C’est ainsi que certains philosophes soutiennent que l’abstinent tout en pratiquant des vertus, ne fait le bien qu’en portant simultanément au fond de son cœur le désir du mal. Par ce fait, il lutte contre sa passion et n’accomplit l’action bonne qu’avec difficulté et peine. Ainsi, l’homme s’oriente et recherche en premier à être vertueux. La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir ce qu’est un homme vertueux ? Face à l’abstinent qui n’accomplit le bien qu’avec difficulté, Maïmonide souligne que « l’homme vertueux, au contraire, en faisant le bien, obéit à son penchant, il éprouve la joie à suivre son élan naturel ».[6]
Dans une société hiérarchisée, la question qui se pose à ce niveau est celle de savoir quelle est la place réservée à l’homme vertueux ou à l’abstinent ? La détermination de la place qu’occupe l’homme vertueux ou l’abstinent soulève des controverses entre les philosophes et les docteurs de la loi. Rappelons tout d’abord que lorsqu’on parle des docteurs dans la culture juive, on fait allusion aux docteurs de la loi. Ainsi, les philosophes soutiennent que l’homme vertueux est au-dessus de l’abstinent. Par contre, les docteurs ont une opinion différente. Pour eux, celui qui, agité de mauvais désirs, arrive à les maîtriser, est supérieur à l’autre. Ils ordonnent à l’homme de se surmonter mais lui défendent de dire qu’il n’aurait pas naturellement le désir de commettre telle ou telle action quand même la loi ne l’interdirait pas.

I.1.2.   La volonté humaine


La volonté est définie comme une « disposition morale à vouloir de telle ou telle manière, soit en général, soit dans un cas  particulier ».[7] Cette disposition implique tantôt la bonne volonté, tantôt la mauvaise. Par cette définition on comprend que la volonté est différente des forces d’impulsion qui sont souvent irrationnelles. Tel est le cas des tendances, des  désirs, des passions et bien d’autres. Ainsi, la question de la volonté de l’homme nous amènera à traiter successivement, comme chez Kant, la bonne volonté et la raison pratique.
En effet, de tout ce qu’on peut  concevoir dans la vie quotidienne, soutient Kant, la bonne volonté reste tenue pour bon. «La réflexion morale ne doit donc pas chercher à rendre l’homme heureux ; elle doit plutôt indiquer ce qui peut le rendre digne de l’être ».[8] La bonne  volonté chez Kant est la seule qualité qui soit intrinsèquement adéquate à cette fin. Elle est sa propre valeur. Il sied de noter que Maïmonide est qualifié à la fois de volontariste et de profondément intellectualiste. L’homme dispose d’un libre arbitre, entendu comme pouvoir de faire  ou ne pas faire, de faire le bien ou le mal : « sache […] que toutes les actions de l’homme relèvent de lui-même, qu’aucune nécessité ne pèse sur lui à cet égard et qu’aucune force étrangère ne l’oblige à tendre à une vertu ou à un  vice. »[9]
            Le volontarisme de Maïmonide trouve une illustration remarquable dans sa conception de la vertu comme maîtrise de soi. L’homme authentiquement vertueux n’est pas tant celui qui est tellement porté vers le bien que celui qui maîtrise avec peine ses penchants. Pour cela, ce penseur soutient que « celui qui désire transgresser la loi et qui  y aspire mais sait se  dominer l’emporte sur celui qui n’éprouve pas ce désir et ne ressent aucune peine à éviter les péchés, de sorte que la vertu et la perfection d’un homme sont en raison directe de la puissance de son penchant pour les transgressions et de la peine qu’il éprouve à les éviter »[10]
S’il s’avère que c’est la bonne volonté qui permet à l’homme d’être heureux, quelle est alors son origine ? Par quoi devons-nous acquérir cette qualité ? Il faut noter  que c’est l’usage de la raison qui permet à l’homme d’acquérir cette qualité. La raison doit donc être au service du bonheur et sa vraie destination n’est autre que la production d’une bonne volonté. Pour que cette raison s’exerce effectivement, il faut que l’homme soit revêtu du libre- arbitre.

I.1.3.   La question du libre-arbitre


Pour saisir la question du libre-arbitre, il importe de s’arrêter, un temps soit peu, sur la notion de liberté. La liberté conçue comme « cette capacité de pouvoir agir indépendamment des causes étrangères qui la déterminent »[11], a été définie diversement par les penseurs. C’est ainsi que Kant en distingue trois sens. La liberté transcendantale, la liberté pratique et la liberté comme autonomie. Cette dernière liberté s’accomplit lorsqu’elle est conçue comme la faculté qu’a l’être raisonnable de formuler la loi morale à laquelle il choisit de se soumettre, sans aucune influence extérieure.

Le problème fondamental face à cette notion de la liberté est celui de savoir si nous sommes libres dans l’accomplissement de nos actes. A ce sujet, Leibniz soutient que « plus on agit suivant la raison, plus on est libre »[12]. Ainsi, plus nous agissons suivant la raison, plus nous agissons selon la perfection de notre nature. On peut comprendre par cette position de Leibniz que ce ne sont pas toutes nos actions qui sont accomplies librement. Il faut qu’on agisse avec raison. Ainsi l’action est subordonnée à l’utilisation de la raison. Cependant quand nous agissons avec passion, nous sommes esclaves des choses externes qui nous  font pâtir. De son côté, Joubert soutient qu’« être libre n’est pas faire ce qu’on veut mais ce qu’on a jugé meilleur et plus convenable »[13]

Abordant la question du libre-arbitre, Fonsegrive, dans son Essai sur le libre-arbitre, note : « nous appelons libre-arbitre le pouvoir en vertu duquel l’homme peut choisir entre deux actions contraires, sans être déterminé par aucune nécessité »[14]. Ainsi, l’homme doté de ce libre-arbitre mérite d’être saisi. La vision de l’homme que propose Maïmonide est celle d’un être rationnel et libre, maître de son destin et responsable de ses actions. Dans sa perspective, Maïmonide est à la fois volontariste et profondément intellectualiste. Pour lui l’homme dispose d’un libre arbitre, entendu comme pouvoir de faire ou de ne pas faire, de faire le bien ou le mal : « sache […] que toutes les  actions de l’homme relèvent de lui-même, qu’aucune nécessité ne pèse sur lui à cet égard et qu’aucune force étrangère ne l’oblige à tendre à une  vertu ou à un vice. »
Le volontarisme de Maïmonide  trouve une illustration remarquable dans sa conception de la vertu comme maîtrise de soi. L’homme  authentiquement vertueux n’est pas tant celui qui est naturellement porté vers le  bien que celui qui maîtrise avec peine ses penchants. Etre libre chez Maïmonide implique également le fait d’être responsable, c’est-à-dire penser le vrai et pratiquer le bien. Ce qui fait de sa conception une conception intellectualiste. Et la vraie sagesse pour Maïmonide « consiste à acquérir les vertus intellectuelles, c’est-à-dire à concevoir des choses intelligibles qui puissent nous donner des idées saines sur les sujets métaphysiques. C’est là la fin dernière de l’homme qui donne à l’individu humain une perfection véritable. Elle appartient à lui  seul, c’est par lui qu’il obtient l’immortalité et c’est par elle que l’homme est réellement homme. »[15] Cette vraie sagesse est en même temps la plus haute félicité puisque l’homme transcende sa condition par son intellect qui devient semblable  à l’intellect agent de Dieu.

I.2.      DE LA DIMENSION SPIRITUELLE DE L’HOMME


Définissant l’être humain comme un  vivant mortel possédant une âme et un corps, Platon soutient que l’âme est l’essence de l’homme. De son côté, Aristote soutiendra que l’âme et le corps sont ensemble deux éléments de l’être humain qui ont besoin l’un de l’autre pour donner l’individu concret et réel. Par cette orientation Aristote refuse le dualisme anthropologique de Platon. Selon lui, l’homme étant un animal rationnel, est à la fois corps et esprit, c’est un corps animé. Maïmonide fait sienne cette conception d’Aristote. Dans sa conception de l’homme, Saint Augustin soutient que « l’homme est une substance rationnelle composée du corps et de l’âme dans la personne humaine. L’âme y est la partie supérieure et le corps la partie inférieure. »[16] Par cette prise de position on comprend que Saint Augustin ne veut pas concevoir le corps comme la prison de l’âme comme chez Platon, ni l’âme comme quelque chose de conceptuel, mais comme une réalité que l’homme incarne.
Maïmonide soutient, pour sa part, que l’âme  qui survit après la mort n’est pas la même que celle qui apparait dans l’homme au moment de sa naissance. Celle qui naît avec lui est une pure disposition et celle qui reste après la mort, c’est l’intellect devenu en acte. Les âmes après s’être séparées des corps, forment une unité numérique, comme l’a montré Ibn Badja, cité par Maïmonide. La santé de l’âme étant liée à la structure de l’homme pour la compréhension de la conception maïmonidienne de la morale, nous évoquerons la question des maladies de l’âme. En effet, seule l’âme en santé peut être capable de s’élever vers la perfection suprême.

 

I.2.1.   De l’âme en général


Depuis l’époque ancienne, la question de l’âme a été au cœur d’un débat dans les milieux scientifiques. Il s’agit de déterminer sa nature et ses fondements.  Pour certains philosophes en effet,  trois caractères permettent de définir l’âme. Ces trois caractères sont essentiellement le mouvement, la sensation et l’incorporéité. Toutefois, Aristote nie la présence de l’âme dans tout corps et soutient également que le mouvement n’appartient pas à l’âme. Il définit cette dernière comme étant  la forme du corps et soutient que « l’âme est le principe des animaux »[17]. Elle permet au corps de participer à la vie divine. Ainsi, Aristote cherche à déterminer la nature de l’âme.

De son côté, Maïmonide fait remarquer que l’âme de l’homme est une, mais que ses opérations sont nombreuses et diverses. Que certaines de ces opérations sont parfois appelées âmes, ce qui peut faire croire que l’homme a plusieurs âmes. « Les médecins, prétendant que l’homme a plusieurs âmes, sont arrivés à affirmer que l’homme a trois âmes : l’âme naturelle, l’âme animale et l’âme spirituelle. On les appelle parfois facultés ou parties, de sorte que l’on dise les parties de l’âme »[18]. La question qui se pose est celle de savoir si en  parlant de parties, on doit entendre une subdivision comme celle du corps. Face à cette question, certains philosophes soutiennent que l’âme ne peut pas être subdivisée comme c’est le cas pour le corps.  Cependant, tout redressement des mœurs doit passer par le traitement de l’âme et de ses facultés, estime Maïmonide. C’est ainsi que celui qui veut guérir l’âme et redresser les mœurs doit connaître l’âme dans son ensemble et dans ses parties, ce qui la rend malade et ce qui la conserve en santé.
Dans sa conception de l’âme, Maïmonide ne s’éloigne pas d’Aristote et de Platon. C’est ainsi qu’il distingue cinq facultés de l’âme. Il s’agit de la force nutritive, c’est-à-dire celle qui préside à toutes les fonctions de la vie organique, la sensibilité, l’imagination, la force attractive, c’est-à-dire la faculté qui comprend chez Platon à la fois les passions et la volonté et enfin la raison. Cependant, il importe de souligner que pour Maimonide, l’intelligence est la forme de l’âme. C’est l’intelligence qui complète l’âme et lui confère son excellence. Notons que ces diverses facultés peuvent être conçues différemment selon que l’on se trouve chez l’homme ou chez l’animal. Chez l’homme l’âme nutritive n’est pas ce qu’elle est chez l’animal, car l’homme est nourri par la partie nutritive de l’âme humaine et l’animal par la partie de l’âme qui lui est propre.

I.2.2.   Des facultés de l’âme


Le but de l’homme est le développement parfait de toutes ses facultés. Quand ces facultés arrivent au sommet de leur développement, celui qui détient une capacité artistique devient artiste et bien dans d’autres domaines. Saint Augustin distingue deux facultés de l’âme, la volonté et la raison. Chacune de ces facultés est revêtue de deux niveaux : un niveau supérieur et celui inférieur. La raison est constituée d’une partie inférieure où se trouve localisée la science et d’une partie supérieure où est située la sagesse. La volonté  quant à elle est constituée au niveau inférieur, du libre-arbitre et au niveau supérieur de la liberté.

La raison, l’une des facultés de l’âme, a deux genres d’activités qui correspondent à deux espèces de choses existant dans l’univers. Nous rappelons que l’univers contient à la fois le devenir et la substance. Il s’agit en fait des choses changeantes et des choses non changeantes. Cependant, on peut se demander dans lequel de ces deux genres peuvent se situer les actions de l’homme. Face à cette question il faut noter  qu’au regard des caractères des actions de l’homme, ces dernières ne peuvent que se situer dans les choses changeantes. L’homme n’est pas statique, il est toujours dynamique et sa vie prouve toujours ses diverses réactions face à tel ou tel autre événement. Les règles scientifiques quant à elles sont situées parmi les choses stables.

La raison est ce qui nous distingue des autres animaux. D. Parodi soutient à ce sujet que « la raison est essentiellement la faculté d’organiser l’expérience ».[19]  Les autres facultés sont communes à tous les êtres vivants bien qu’à des degrés différents. La raison constitue en fait le caractère particulier de l’homme. La vie de l’homme consiste dans le développement de sa raison. Les bons et les mauvais penchants de l’homme sont localisés dans la partie active de l’âme et dans une certaine mesure dans la partie sensitive, mais non dans la partie nutritive ou imaginative, soutient Maïmonide dans Le traité de huit chapitres. Cependant il faut également signaler que les bonnes et les mauvaises actions se trouvent dans la raison.

Maïmonide formule la différence entre les qualités des vertus et celles de la raison en distinguant nettement la piété de la prophétie.  Il souligne à cet effet que « la piété est le total des qualités morales et ce sont les paroles des ancêtres qui nous y conduisent. Mais la piété nous amène à son tour vers l’Esprit Saint. Ce qui renvoie en fait à la prophétie ».[20] Maïmonide définit la piété comme l’habitude des bonnes actions, habitude formée des vertus. Mais la prophétie est ce qu’on appelle qualités de la Raison. La prophétie est la perfection même de l’homme, le guide de l’humanité. Cependant on peut se questionner sur la nature du prophète. Est-il possible de parler  de la perfection de l’homme sans entendre de larges connaissances ?

Il faut noter que la prophétie n’est pas considérée par Maïmonide purement et simplement comme faculté intellectuelle de la Raison. La raison, étant du domaine de la faculté imaginative, n’est pas la déduction, mais la connaissance directe des choses. « Le prophète est celui dont la faculté imaginative est développée en même temps que la faculté intellectuelle ».[21] Maïmonide le place donc  au sommet de l’espèce humaine et non le philosophe.









I.2.3.   Des maladies de l’âme


Ayant exercé longuement la carrière de médecin, Maïmonide se sert des expériences de la médecine pour desceller les maladies de l’âme et procède par analogie afin de proposer une thérapie. Ainsi, pour comprendre les maladies de l’âme, il part de celles du corps. Cependant, avant de relever ce qu’il entend par maladies de l’âme, il importe de s’interroger sur la notion de santé. En quoi consiste la santé de l’âme ?
En effet, la santé de l’âme peut être définie, au sens aristotélicien comme l’état qui prédispose aux bonnes actions, et l’éthique comme l’apprentissage de l’âme. Maïmonide définit la santé de l’âme comme l’état qui prédispose aux  bonnes actions, autrement dit, la vertu morale. S’appuyant sur Farabi, Maïmonide relève que pour l’âme, il y a une santé et une maladie comme il y a une santé et une maladie pour le corps. Pour lui, « la santé de l’âme est que ses dispositions et les dispositions de ses parties soient des dispositions par lesquelles elle accomplit toujours les  bienfaits, les belles choses et les hauts faits. Sa maladie résulte du fait que ses dispositions et les dispositions de ses parties soient des dispositions  par lesquelles elle accomplit toujours les méfaits, les forfaits et les vaines actions »[22].
Il relève premièrement qu’il existe des maladies de l’âme qui, comme les maladies du corps, sont définies par rapport à une juste mesure. Il fait remarquer ensuite que les maladies du corps sont liées à la rupture de l’équilibre entre les humeurs. Les maladies de l’âme et les vices désignent deux extrêmes par rapport à une vertu médiante. Il faut signaler que la théorie maïmonidienne des vertus est directement issue de la théorie aristotélicienne. En effet, dans Ethique à Nicomaque, Aristote souligne que  la  vertu réside  dans le juste milieu entre deux vices, l’un comme manque, et l’autre comme excès. Exprimée en termes médicaux, l’éthique apparaît comme la virtualité intérieure à l’individu et non extérieure à lui : c’est un équilibre entre le désir et l’intellect.
 Deuxièmement, il fait remarquer le rôle de l’habitude tant dans le cas de la médecine du corps que dans celle de l’âme. En effet, la santé du corps est centrée sur les bonnes habitudes alimentaires. Ainsi, l’acquisition des vertus consiste en une habituation. A travers ce point de vue, Maïmonide s’inscrit en droite ligne de la doctrine aristotélicienne soutenant que les vertus et les vices n’arrivent à l’âme et ne s’y installent qu’en les répétant plusieurs fois pendant un temps long.
Il importe de souligner que la conception maïmonidienne de l’homme place ce dernier au centre de toute action morale. Et pour saisir les actions humaines, Maïmonide veut saisir la nature de l’homme afin de comprendre ses agissements. C’est ainsi que ce penseur fonde son éthique sur la connaissance anthropologique. Dans leur échelle du bien, l’homme supérieur est celui qui est naturellement bon, qui fait le bien comme il respire. Ainsi chaque personne doit poursuivre la réalisation du bien malgré les circonstances de la vie. Cependant pour atteindre cet objectif, quelques éléments doivent nécessairement être réunis. Il s’agit essentiellement de la volonté humaine entendue comme cette faculté qu’a une personne de pouvoir se déterminer pour des motifs ou des raisons et du libre-arbitre conçu comme un pouvoir en vertu duquel l’homme peut choisir entre deux actions contraires, sans être déterminé par aucune nécessité.
 Dans sa conception de l’âme nous avons remarqué que Maïmonide fait sienne la conception d’Aristote. C’est ainsi qu’il soutient avec ce dernier que l’âme et le corps sont ensemble deux éléments de l’être humain qui ont besoin l’un de l’autre pour donner l’individu concret et réel. Cette structure de l’homme telle que conçue par notre auteur l’amène à pouvoir évoquer la question des maladies de l’âme. En effet, Maïmonide estime que l’homme ne saurait atteindre la perfection sans être en bonne santé. La question qui s’impose maintenant est celle de savoir quelle est la morale proposée par Maïmonide ? Quelle est la conception maïmonidienne de la morale ? En quoi cette morale peut-elle permettre à l’homme de pouvoir réglementer ses agissements ? Telles sont  les questions qui nous permettront d’aborder le second chapitre.









Chap. II.  LA MORALE THEORIQUE ET LA MORALE PRATIQUE


Dans sa conception de la morale, Maïmonide distingue deux sortes de morale : la morale théorique et la morale pratique. La première se charge de s’interroger sur ce qui est. La deuxième se focalise sur l’analyse de ce qui doit être. En effet, la question de la morale est abordée par Maïmonide dans plusieurs de ses ouvrages. Spécialement dans le Commentaire sur la Mischna, dans l’introduction au Xème chapitre du Traité de sanhédrin, dans Le traité de huit chapitres, dans Livre des préceptes et dans le Guide des indécis, plus particulièrement dans la troisième partie. Il est impérieux de se demander en quoi consiste la conception maïmonidienne de la morale ? Quels sont les fondements de la morale théorique ? Quelle est la portée de la morale pratique chez Maïmonide ? Pour répondre à cette problématique ce second chapitre sera articulé sur deux points. Le premier portera sur la morale théorique et le second sera axé sur la morale pratique.

II.1.  LA MORALE THEORIQUE


Dans son élaboration de la morale théorique, Maïmonide soutient que cette dernière est spécialement liée à l’analyse de ce qui est. Cette morale est qualifiée de morale de la raison à cause de son objet. Pour bien relever sa portée, nous nous proposons d’aborder successivement la question de la perfection, la notion de la vertu et la connaissance de Dieu.

 

II.1.1.  La question de la perfection


En s’appuyant sur la Bible, Maïmonide nous révèle que la loi de Moïse a été donnée en vue d’une double perfection : la perfection physique et la perfection de l’âme. Cette loi règlemente non seulement les rapports mutuels des hommes, en supprimant la violence, en établissant l’harmonie dans la société afin que tout citoyen puisse  atteindre la perfection du corps, mais aussi, elle assainit les croyances, ouvre les idées et approfondit la pensée pour nous élever à la perfection suprême. Cependant, on peut se demander si l’homme est capable de moralité. Quelle est en fait la capacité de moralité de l’homme ?
Au regard de la problématique sur la moralité de l’homme, Maimonide répond par la positive et postule sa capacité de conscience. Il met au centre de toute moralité la conscience, un sentiment moral naturel et libre. Cette centralité postulée par Maïmonide semble poser un problème dans la société d’aujourd’hui où la question de la conscience n’est plus d’actualité. Les actes posés dans notre société semblent uniquement être motivés par l’intérêt, quels que soient les effets. On peut penser que dans leurs actes, les hommes ont perdu la notion de conscience. Ce qui pose alors la question du bien fondé de la conscience en l’homme. L’auteur soutient que toute sanction ou toute récompense au regard des actions bonnes ou mauvaises relève de  Dieu seul.
Abordant la question de la perfection, Aristote distingue trois espèces de biens. Cependant, l’une embrassant les biens de l’âme, est comptée par Maïmonide pour la troisième et la quatrième espèce. Car elle embrasse d’une part, les qualités morales, d’autre part, les qualités intellectuelles. Maïmonide relève que tout homme doit aspirer à la perfection et toutes ses actions doivent être orientées vers elle. Ainsi, toutes les pratiques prescrites par la Loi ont pour but d’amener l’homme à craindre Dieu, à le respecter et à le révérer. « Les philosophes modernes et anciens ont exposé qu’on trouve en l’homme quatre espèces de perfection »[23]
 La première espèce, c’est la perfection en fait de possession. Maïmonide fait remarquer que cette espèce de perfection a moins de valeur, mais les hommes emploient toute leur vie pour l’obtenir. En outre elle renferme ce que l’homme possède en fait de biens, de vêtements, de meubles, d’esclaves. L’obtention de la dignité royale appartient à cette espèce soutient ce penseur. Ainsi, la perfection en fait de possession est une perfection qui ne se rattache en rien à la personne. « Les philosophes ont exposé que celui dont tous les efforts tendent à obtenir ce genre de perfection ne se fatigue que pour une chose purement imaginaire car c’est une chose qui n’a pas de stabilité, et dût même cette possession lui rester toute sa vie, il ne lui arriverait aucune perfection dans son essence ».[24]
Maïmonide nous fait comprendre qu’à la différence de la première, la deuxième perfection est liée à l’essence de la personne. Elle se situe dans la formation et la constitution du corps. Bien qu’étant liée à l’essence de la personne, cette perfection n’est peut pas être adoptée pour but final. L’homme ne détient pas cette perfection corporelle en tant qu’homme mais en tant qu’animal. Il faut noter qu’elle n’apporte rien à l’âme. La troisième perfection est une perfection dans l’essence de l’homme. C’est la perfection des qualités morales. Ce qui veut dire les mœurs de tel homme sont bonnes au plus haut point. Il faut noter que plusieurs commandements ont pour but de nous faire arriver à cette perfection. Maïmonide souligne que la perfection des qualités morales n’est pas le point final mais elle constitue la préparation à une autre perfection. Face à ces perfections, il estime que « toutes les vertus morales ne concernent que les relations des hommes entre eux, et la perfection morale que possède l’homme ne fait en quelque sorte le disposer à être utile aux autres »[25]. S’agissant de la quatrième perfection, il sied de noter qu’elle est la véritable perfection humaine. Elle consiste à acquérir les vertus intellectuelles, c’est-à-dire à concevoir des choses intelligibles qui puissent nous donner des idées saines sur les sujets métaphysiques. C’est là la fin dernière de l’homme. « C’est par cette perfection que l’homme obtient l’immortalité, et c’est par elle que l’homme est réellement homme ».[26] 
Les prophètes soutiennent que la seule perfection qui puisse être l’objet de notre orgueil et de nos désirs, c’est la connaissance de Dieu, laquelle est la vraie science. C’est dans cette optique qu’au sujet de ces quatre perfections, Jérémie s’exprime de la manière suivante : « ainsi a parlé l’Eternel : que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de ses richesses ; mais ce dont il est permis de se glorifier, c’est de l’intelligence et de la connaissance que l’on a de moi »[27]. Par ce verset Jérémie soutient que la perfection dont l’homme peut réellement se glorifier, c’est d’avoir acquis, selon sa faculté, la connaissance de Dieu et d’avoir reconnu sa providence. « Un tel homme, après avoir acquis cette connaissance se conduira toujours de manière à viser à la bienveillance, à l’équité et à la justice, en imitant les actions de Dieu. »[28]
En somme, comme le souligne Maïmonide, il parait déplorable de remarquer qu’être riche reste la plus grande perfection dans notre société actuelle. Etre fort est une  qualité moindre. Cependant, celui qui est moins apprécié, c’est le sage, c’est-à-dire celui qui possède des bonnes mœurs. C’est lui qui cherche à atteindre la quatrième perfection.



II.2.2.  La  vertu


Pour signifier l’importance de la vertu dans la vie de l’individu, Maïmonide souligne qu’il n’y a pas de degré au-dessus de la vertu. C’est dans cette optique qu’il relève que « la vertu conduit à la possession de l’esprit saint ». Les vertus sont de deux ordres chez Maïmonide cependant cette classification ne lui est pas propre, elle est d’Aristote. Il s’agit essentiellement des vertus morales et celles rationnelles.
Pour aborder la question des vertus intellectuelles, Maïmonide fait observer que ces dernières sont étroitement liées à  la faculté rationnelle. Elles appartiennent à la partie intellectuelle de l’âme. Dans cette catégorie on retrouve la sagesse, la raison et la perspicacité et la vigueur du jugement. La sagesse, qualité intellectuelle, est conçue comme la science des causes éloignées et prochaines d’un fait dont on connaît déjà l’existence et dont on cherche les causes. La raison, quant à elle, comprend la raison spéculative, laquelle nous est innée. Les défauts de cette faculté sont l’inverse de ces qualités.
Quant aux vertus morales, Maïmonide estime qu’elles appartiennent à la seule partie appétitive, la partie sensitive n’est que la servante de l’appétitive, c’est-à-dire qu’elles ne se rencontrent que dans la partie attractive de l’âme. Parmi ces vertus, Maïmonide mentionne la modération, la générosité,  la probité, la douceur et l’humilité. « Les qualités de cette partie sont très nombreuses. Il s’agit essentiellement de la continence, la  générosité ; l’honnêteté, l’humilité. Les vices de cette partie de l’âme consistent dans le défaut ou l’excès de ces qualités ».[29]
A ces deux vertus s’opposent les défauts de deux espèces. En effet, les défauts consistent dans  le pas-assez ou trop de ces qualités. Il faut noter que pour ce qui  est de la partie nutritive et de l’imagination, il n’y a pas lieu de parler de vice ou de vertu. On dira que la digestion d’un tel est facile ou difficile, que l’activité de son imagination est troublée. Toute corruption ou imperfection, les fautes, les péchés sont le fait de la matière. Toutes les vertus viennent de la forme. Notons que c’est essentiellement grâce à cette forme que l’homme se doit d’avoir l’idée du créateur et du monde intelligible. C’est elle qui lui permet de savoir modérer ses passions et de réfléchir sur le préférable.

Faisant référence à Aristote, Maïmonide soutient que les actions bonnes sont le résultat d’un équilibre à égale distance de deux extrêmes. Les vertus sont donc des dispositions habituelles tenant le milieu entre deux tendances mauvaises, dont l’une pèche par excès et l’autre par défaut. Ainsi, la tempérance tient le milieu entre la sensualité et l’atonie, la libéralité entre l’avarie et la prodigalité.
Qu’en est-il de la valeur des actes posés par l’homme ? Et quelle est l’origine des vertus ? En réponses à ces questions, Maïmonide soutient que dans sa nature originelle, l’homme n’a ni vertu ni défaut. Mais par l’influence du milieu familial et du milieu physique, il contracte des dispositions dont quelques-unes le maintiennent dans le droit chemin, d’autres le portent au-delà, et d’autres encore le retiennent en deçà. Toutefois, il faut noter qu’en raison du jeu psychologique, « les justes avaient accoutumé de ne pas s’en tenir strictement à la règle du juste milieu, mais d’exagérer prudemment dans un sens ou dans l’autre. »[30] Cette attitude est commandée par l’obéissance à de louables mobiles. Il s’agit principalement pour des raisons de médication morale et à cause de la corruption des grandes villes.
Ainsi, l’attitude qui est recommandée est donc celle de se conduire ou suivre en général le juste milieu, on n’en doit sortir que pour guérir les maladies de l’âme par le penchant contraire. L’homme est invité à examiner constamment son régime moral, afin de ne pas permettre que la disposition mauvaise se constitue en habitude. En pesant toujours exactement ses actes et en se tenant le plus possible dans la vraie voie, l’homme se rapproche de la divinité. Il lui rend l’hommage suprême et participe à la béatitude éternelle. Nous devons donc exercer toutes nos facultés, avec la raison pour guide et la connaissance de Dieu pour but, soutient Maïmonide. « Nous avons à disposer notre activité de telle façon qu’elle nous conduise tout entière à cette fin. »[31] Pour y arriver l’homme ne cherche pas uniquement l’agréable, mais ce qui concourt à son perfectionnement, sans se préoccuper davantage des satisfactions sensibles, écrit-il.
Au regard du constat de Maïmonide, il n’y a qu’une rare élite pour atteindre la perfection et cela après un labeur longuement soutenu. La perfection qu’elle atteint consiste à diriger toutes les énergies vers Dieu seul. « Elle consiste à réfléchir avant d’agir ou de parler, pour se rendre compte si le geste ou la parole rapproche ou non de la fin suprême, et puis de procéder en conséquence ».[32] L’homme doit constamment faire le bien, le beau et le convenable pour sauvegarder son âme en santé afin justement d’atteindre la perfection suprême. L’homme peut-il atteindre la perfection ?

II.1.3.  La connaissance de Dieu comme but de l’existence


Maïmonide est à l’origine de la théologie dite des attributs négatifs. Une théologie apophatique qui soutend qu’on  ne peut rattacher à Dieu aucun attribut. Les attributs sont des anthropomorphismes, des propriétés qui relèvent du symbolique, de l’imaginaire et ne peuvent en aucun cas être attribués à Dieu. Cette  attitude  de Maïmonide se justifie par le fait qu’il s’oppose énergiquement à l’anthropomorphisme. « Ces attributs portent atteinte à l’unité essentielle de Dieu ».[33] Maïmonide estime que de Dieu, on ne peut rien dire, sinon sur le monde négatif.
La  question de la connaissance de Dieu est au centre de la pensée philosophique de Maïmonide. Ainsi, « toute la connaissance s’ordonne à la métaphysique, attendu que la véritable perfection est la connaissance de Dieu qui est la vraie science »[34]. Pour Maïmonide, l’homme n’est pas doué, dès le début, de la perfection finale, il n’a que la perfection en puissance. L’esprit humain n’a pas la perfection. Il faut une préparation morale. Pour Maïmonide, « l’étude de la métaphysique est le devoir suprême, la seule perfection véritable, la plus noble des fins. La sagesse suprême c’est la connaissance de Dieu »[35]. C’est ainsi qu’il promeut la connaissance de Dieu pour une bonne conduite dans la société. Une connaissance qui a ses bas dans les écrits bibliques.
Il importe de souligner que Maïmonide ne part pas de l’essence de Dieu pour en déduire son existence. C’est ainsi que Jérémie écrit : « mais qui veut se glorifier, qu’il trouve sa gloire en ceci : avoir de l’intelligence et me connaître. Car je suis Jéhovah qui exerce la bienveillance, c’est en cela que je me complais, oracle de Jéhovah »[36]. Faisant une analyse de ce verset, trois  idées fondamentales peuvent en découler.
La première idée est centrée sur la glorification. Cette dernière est une glorification de soi-même. Elle est proposée comme une tâche à chacun de nous. Elle constitue en définitive un perfectionnement de mon être, soutient Maïmonide. La deuxième idée qui découle de ce verset est liée à la mesure qu’on a de l’intelligence. En effet, l’intelligence constitue une voie qui conduit l’homme vers le perfectionnement de soi, impliquant une ouverture vers l’autre. La troisième idée est axée sur l’intelligence. Pour Maïmonide, soulignons que l'intelligence fait partie de l’avoir et de l’être de l’individu. C’est justement cette intelligence qui peut  conduire à la connaissance de Dieu.
Remarquons en outre que « dans la théorie de la connaissance de Dieu par ses voies, la connaissance n’est pas semblable à la contemplation du sage aristotélicien. Il s’agit d’une connaissance fondée sur l’action morale et politique »[37]. Cette conception pousse Maïmonide à affirmer que « la perfection dont l’homme peut se glorifier, c’est d’avoir acquis selon sa faculté la connaissance de Dieu et d’avoir reconnu sa providence veillant sur ses créatures ».[38] Ainsi, dans sa vie quotidienne, un homme qui a acquis la connaissance de Dieu visera davantage la bienveillance, l’équité et la justice, en imitant les actions de Dieu. Le salut par la connaissance est donc en réalité le salut par les œuvres. Pour Maïmonide en effet, le vrai service de Dieu se manifeste par l’accomplissement, par l’étude et la pratique de la loi. Il souligne en outre que ceux qui saisissent Dieu et ses actes sont ceux qui l’aiment au plus haut degré, cet amour étant proportionné à la connaissance.
Pour Maïmonide, on ne peut pas détacher la solidarité de l’amour et la connaissance. Car  la réalité faisant partie du service de Dieu, elle repose sur la perfection intellectuelle, c’est-à-dire sur la connaissance de Dieu. Cependant, « la perfection des mœurs fait partie, selon Maïmonide, du cycle préparatoire à la prophétie nécessaire à celui qui est déjà dans le palais de Dieu et aussi près que possible de Dieu, et, par conséquent, de la connaissance de Dieu »[39].
En somme, dans le développement de sa morale, Maïmonide fait remarquer que le rapport de l’homme à Dieu est centré sur tout précepte qui vise à corriger un défaut ou à nous investir d’une qualité intellectuelle ou morale. Ainsi, le bien fondé de la loi est de modérer nos appétits. C’est ainsi  que les passions sont considérées comment des éléments qui écartent l’homme aussi bien de la perfection du  corps que de la perfection de l’âme. 

II.2.     LA MORALE APPLIQUEE


Il importe, tout d’abord, de souligner que l’enseignement moral pratique de Maïmonide peut être formulé de la manière suivante : « les bons principes consistent en l’habitude des bonnes actions et les bonnes actions sont celles qui sont nécessaires pour la sauvegarde de l’équilibre de notre âme »[40]. Ainsi, l’origine, le sens et l’importance de la morale ne sont pas au-delà de l’expérience. La morale n’est pas une loi abstraite sise dans un lieu lointain et indépendant de nous. Quel est alors le contenu de cette morale ? Comment cette morale règle-t-elle les relations entre les individus ? Quel est son impact sur le plan politique ? Ces questions nous permettront d’analyser successivement la question des devoirs de l’homme, des relations sociales et d’entrevoir en dernier lieu la question de la politique telle que conçue par Maïmonide.

II.2.1.  Les devoirs de l’homme envers lui-même et la morale domestique


Pour comprendre la question de la morale appliquée, les docteurs de la loi cherchent primordialement la motivation rationnelle des lois scripturaires. Comment comprendre ou expliquer les préceptes par des raisons sociales, éthiques et hygiéniques. C’est dans ce sens que Maïmonide estime que les théologiens ne sont pas unanimes sur la question de savoir si les opérations de Dieu dépendent de sa sagesse ou de sa volonté, sans savoir, par ailleurs aucun but. « Pour les uns, ces lois n’ont aucune raison, elles sont l’effet de l’arbitraire divin ; pour les autres les préceptes sont fondés rationnellement. »[41]  C’est dans cette optique que Maïmonide déclare : « nous autres israélites, tous tant que nous sommes, hommes du vulgaire ou savants, nous croyons que ces dispositions sont toutes motivées, sauf qu’en partie, nous ignorons les raisons »[42]. En outre, il souligne que « les prescriptions de l’Eternel sont vérité, elles sont justes toutes ensemble »[43].

Les prescriptions scripturaires sont, en réalité, conçues pour le bien de l’homme. C’est toujours le bien de l’homme que veut la divinité. C’est ainsi que l’Ecriture atteste : « il nous prescrivit d’exécuter toutes ces lois, pour que nous fussions heureux, pour qu’il conservât nos jours comme il l’a fait jusqu’ici ».[44] Tous les commandements portent le cachet de la sagesse et de l’intelligence. Car si une disposition n’a pas de motif appréciable et si elle ne procure aucun mal, on ne peut pas dire que celui qui la suit est sage. Il faut noter que chacun des préceptes doit conduire l’homme aux bonnes mœurs et le préserver de la dépravation. L’ensemble de ces commandements se rattache aux opinions, à la moralité et à la pratique des devoirs sociaux, estime notre auteur. Cependant, tout n’étant pas aisé dans la vie quotidienne « il est difficile de transformer un peuple du jour au lendemain, ou lui faire renoncer à ses vieux usages ; il faut ménager la transition, s’appliquer à spiritualiser les institutions »[45]. C’est ainsi qu’il essaie de relever les devoirs de l’homme envers l’autre et les devoirs domestiques.
Focalisant son regard sur les premiers, Maïmonide pense que parmi les devoirs qui s’imposent à nous, il y a d’abord les devoirs de l’homme envers lui-même. Pour lui, chaque faculté cherche à s’approcher de Dieu au moyen de la chose qu’elle aime le plus. Pour cela, l’homme a des devoirs envers son corps. L’idée générale qui domine le régime du corps, c’est l’exercice modéré de toutes les fonctions et la propreté de la personne. C’est ainsi que l’on peut s’interroger sur le bien fondé du repos. L’homme en a-t-il besoin dans sa vie quotidienne ? Maïmonide y répond par l’affirmative. Il fait référence à l’institution du sabbat et des fêtes pour montrer que le repos est un besoin de l’individu. Pour maintenir le corps, il pense que l’homme doit éviter de se livrer aux passions, car elles ruinent les aspirations supérieures de l’homme. Par rapport aux biens extérieurs, il ne faut les  poursuivre que dans la mesure nécessaire. On s’efforcera de répudier la soif des richesses et le luxe. Dans la vie quotidienne, Maïmonide pense que le sage doit se marier, non pour satisfaire le désir mais pour maintenir, par la conservation de l’espèce, la connaissance de Dieu sur la terre.

Pour maintenir l’harmonie avec les autres, la parole ne doit servir qu’au bien du corps et de l’esprit, à la vertu et à la science. Elle doit être réservée et modeste. On se gardera de tout propos de la médisance et de la calomnie. Force est de constater que notre société actuelle ne met plus un accent particulier sur l’usage de la parole. C’est ainsi que certains milieux professionnels sont minés par les injures. C’est le cas des taxis-men au Cameroun. L’homme doit à sa dignité de choisir une profession utile. Il doit allier l’étude au métier. La dignité de l’homme s’acquiert par le courage. Ainsi, « on développera la faculté de hardiesse par l’exercice »[46]. Maïmonide met justement un accent particulier sur la dignité de l’homme. Ainsi, l’homme digne de ce nom ne reçoit pas de présents et se montre généreux, il écoute les invectives sans y répondre. L’homme digne n’agit que par amour et conserve la sérénité au milieu des épreuves. Ayant la possibilité d’outrager les autres, l’homme digne pourra se servir de l’examen de conscience pour se corriger et s’élever. L’examen de conscience devient un vrai moyen pour maintenir sa dignité. Cependant, cet examen n’a vraiment d’objet que s’il conduit au regret de la faute et à la résolution de s’amender.  

S’agissant de la morale domestique, Aristote pense que les amis sont un bien dont l’homme a besoin toute sa vie. Aux jours de santé et de bonheur, il jouit de leur familiarité  et aux heures de détresse, ils lui sont un asile.  La fraternité, l’amitié et le dévouement mutuel n’existent parfaitement qu’entre proches, de sorte que les hommes d’un même clan sont pénétrés de sympathie et d’amour, les uns pour les autres. Ce lien constitue un des vœux fondamentaux de la Loi. D’où la condamnation de la prostitution qui une ruine de la famille. Maïmonide pense  que l’enfant qui en naît est étranger. Ainsi, aucun de ses parents ne le connaît, ce qui entraîne une fâcheuse position pour lui et pour  son père. La femme ne doit avoir qu’un seul époux. Le mariage doit être public, car il engage toute la société. « L’ordre familial repose sur l’autorité du père et de la mère. Violer cette autorité c’est désorganiser la famille, base principale de l’Etat. Le chef de maison a la responsabilité de tous les siens ».[47]

II.2.2.  Des relations sociales


Maïmonide a mené sa vie et son expérience dans une société d’interrelations. Ce qui implique la présence d’une certaine réglementation. La question qui se pose est celle de savoir sur quoi reposait cette réglementation. En effet, la loi mosaïque reconnait comme un bien de premier ordre la vie sociale. Les hommes doivent se sentir solidaires les uns des autres. Nul n’a le droit de se détacher de la vie de la collectivité comme s’il existait seul au monde. Une société est une organisation des droits. « L’individu est rendu responsable de tout dommage provenant de son fait ou de ce qui lui appartient, dans la mesure où il dépend de lui d’empêcher le dommage »[48].

Chacun remplira sa tâche avec un scrupule exactitude. La législation judaïque marque la plus vive bienveillance à l’égard du travailleur. En affaire, il faut la plus stricte probité dans les paroles et dans les actes. C’est ainsi que les transactions doivent s’effectuer dans un esprit d’équité, de manière qu’aucun des intéressés ne se réserve les avantages à lui seul. Il faut éviter jusqu’à l’apparence du mal. « On respectera non seulement la probité, mais l’honneur de son prochain, on se gardera de toute forme de médisance, de calomnie, de jeter la suspicion, de se relever soi-même aux dépens d’autrui »[49].

Maïmonide prône également le respect de son semblable. C’est une obligation de justice d’être reconnaissant pour les bienfaits. Cependant, il  sied de remarquer que la justice n’épuise pas le contenu du devoir social. Elle est complétée par la charité. Ainsi, l’homme est appelé à secourir son frère. S’agissant des  criminels, Maïmonide soutient que la loi doit être dure envers eux. Face à leur crime, il n’y a pas prétention de pitié. Pour lui, abolir les peines sous prétexte de pitié serait une faiblesse. Par la suppression des sanctions, écrit-il,  les  bons seraient les premiers à souffrir et cela aboutirait à la ruine de la société. Par cet argument on peut comprendre pour quoi la doctrine philosophique de Maïmonide est centrée sur un régime des sanctions. En outre cela s’explique par le fait que les sanctions permettent d’éradiquer toute forme de violence et favoriser l’établissement d’une société garantissant les droits de l’homme.

 La peine, soutient-il, doit être proportionnelle au crime et de même nature. Celui qui est reconnu auteur d’une blessure envers quelqu’un subira une lésion corporelle. Celui qui porte atteinte au bien d’autrui subira une peine pécuniaire. Face à ce régime, on peut se demander s’il ne s’agit pas de l’application du code d’amorabi. Ce régime a-t-il encore une place dans la société actuelle ? Par ailleurs, il est permis à la victime d’être généreuse et de pardonner. Il faut noter également que Maïmonide relève que la bienveillance envers autrui comporte la tolérance. La morale prônée par ce penseur est d’inspiration mosaïque. C’est ainsi qu’il soutient à maintes égards que « les prescriptions mosaïques ne sont obligatoires que pour les juifs et pour ceux qui viennent librement à Israël »[50]. La loi nous enseigne la docilité et la douceur.  Elle veut également que « l’homme, loin d’être dur et grossier, se montre souple, plein de condescendance, de bon vouloir et de modestie »[51]
Evoquant la question de l’amitié dans la société, Maïmonide distingue trois sortes d’amitié.  Le lien d’amitié est déterminé soit par l’unité, soit par l’agrément, soit par la vertu. Cependant, l’amitié vraie est celle qui se fonde sur l’amour commun du bien. En vue de son perfectionnement moral,  l’homme ne doit pas tourmenter les animaux. « Afin que nous ne fassions pas souffrir les bêtes par dureté ou par plaisir, que nous nous accoutumions à la pitié et à la douceur envers tous les êtres. Ainsi, nous devons infliger à l’animal le minimum de souffrance »[52]

II.2.3.  De la politique


La politique, au sens large, est la discipline fondamentale. Elle comprend l’éthique qui détermine la moralité de l’individu. Envisagée au sens étroit, la politique s’occupe de la moralité de l’Etat. Dans ses missions principales, celui-ci doit lutter pour améliorer les rapports des hommes entre eux. Comment obtenir ce résultat ? Quels sont les moyens pour y arriver ? En effet, on obtient ces résultats de deux manières. En supprimant, d’une part, la violence de sorte que l’individu contraint de renoncer à son bon plaisir, contribue au bien public. En faisant contracter, d’autre part, à chacun des mœurs utiles à la vie sociale. Ainsi, l’individu est appelé à comprendre qu’il n’est pas le centre de l’univers. « L’ignorant s’imagine que l’univers entier n’existe que pour sa personne, comme s’il était seul au monde »[53]

Notons que la nature de l’homme fait de lui un être essentiellement social. Il y a entre les individus des différences si variées qu’on ne rencontre guère deux hommes qui sur un point moral quelconque s’accordent absolument. C’est ainsi qu’il est difficile de trouver deux visages parfaitement semblables. Cette vérité même entraîne pour l’homme la nécessité de vivre en société, de manière que les individus se complètent. Chaque personne a besoin des autres. Pour aplanir les divergences résultant des  variations infinies, il faut un guide qui règle l’activité des individus. Pour cela, il faut la présence qui se chargera de corriger ce qui est défectueux, comblera les lacunes. Ce guide, soutient Maïmonide, prescrira des actes et des mœurs que tous devront continuellement pratiquer, afin de faire concourir les variétés à une organisation harmonique, de telle sorte que l’ordre règne dans la société. Maïmonide estime que le chef d’Etat devra prendre pour modèle les attributs divins : la clémence, la longanimité, l’indulgence, l’équité. Il doit suivre la raison et la conscience, ne point céder aux passions, rendre justice en se préoccupant uniquement du devoir et du bien public.
 Enfin, « la morale doit régler les rapports des peuples entre eux. De même qu’on punit l’individu, on doit châtier une tribu ou une nation entière, afin d’empêcher le mal »[54]. Cependant, une question persiste, celle de savoir comment s’exécute la sanction contre une tribu ou une nation. Il s’avère aujourd’hui que ce mécanisme pourrait être efficace pour pouvoir lutter contre le phénomène de justice populaire récurant dans la société actuelle.


Dans sa conception de la morale, Maïmonide soutient que tous les efforts de l’homme dans les diverses pratiques doivent tendre à acquérir les vertus dianoétiques. L’individu doit devenir rationnel en acte et chercher à posséder l’intelligence en acte. C’est cette attitude qui doit lui permettre de conquérir la fin dernière qui n’est autre que la connaissance intelligible, la passion de Dieu. En s’élevant à cette perfection, l’homme réalise ce qui fait sa véritable essence. Ce  penseur note que « dans la jeunesse, les impulsions contrarient le développement des qualités morales et à plus forte raison celui de la pensée pur résultant de la perfection des idées qui conduisent à aimer Dieu passionnément ».[55] Ainsi, une fois que l’intelligence est détachée des liens physiques, elle reste à tout jamais dans cet état de jouissance suprême qui est d’une nature essentiellement différente des jouissances physiques. Pour cela, l’homme immortel est celui qui s’est élevé à la perfection dernière, à la passion des vertus dianoétiques.  Le suprême bonheur, pense-t-il, réside dans la communion avec Dieu, dans cette participation à sa gloire. Ainsi, l’immortalité de l’âme est assurée par l’immortalité du créateur en récompense de l’effort de s’élever jusqu’à lui, ainsi qu’il est écrit : « afin que tu sois heureux et que tu prolonges tes jours »[56] dans la vie dont la durée ne cesse point. Cette conception de la morale chez Maïmonide nous stimule à nous interroger sur son importance dans notre société. Cette morale, qui a comme base la Bible et surtout l’Ancien Testament, peut-elle avoir une place dans notre milieu ? Qu’en est-il de l’influence de la pensée de Maïmonide ? Ces diverses questions nous permettront d’aborder la question de l’influence de Maïmonide.


Chap. III.  IMPACT DE LA PENSEE MORALE DE MAÏMONIDE


La vie en société exige une certaine conduite. Cette dernière peut résulter non seulement d’une entente entre les personnes, mais aussi des convictions de ces dernières. Ainsi, la morale de Maïmonide, une morale d’inspiration biblique, est liée à la conviction des israélites. Dans ce sens, l’impact de sa pensée morale que nous nous proposons de relever sera axé, d’une part, sur l’influence qu’elle a exercée sur d’autres penseurs, et d’autre part, nous nous tenterons de relever son importance dans notre société aujourd’hui.

III.1.   DE L’INFLUENCE DE MAÏMONIDE


III.1.1.   Sur saint Thomas d’Aquin


            Dans sa morale, saint Thomas d’Aquin s’interroge sur le bien et le mal. Une interrogation motivée par un souci d’outiller l’homme des moyens pour se rendre heureux. Ainsi, il fait remarquer que les actions de l’homme sont orientées tantôt vers le bien tantôt vers le mal. La règle morale est la règle du bien, soutient-il. Elle impose à l’être doué de liberté d’appliquer son action libre à la réalisation du bien. La question qui s’impose est celle de savoir quand est-ce qu’on peut parler du bien et du mal. En effet, Aristote souligne que « le bien est ce que toute chose recherche ou désire ».[57] Thomas d’Aquin, de son côté, pense qu’on doit parler du bien et du mal dans les actions comme on parle du bien et du mal dans les choses. Dans ses actions, l’homme doit viser la plénitude. Cependant, il faut noter que, reconnaissant que seul Dieu détient la plénitude de son existence, Thomas d’Aquin soutient que « la plénitude de l’existence humaine requiert que l’homme soit composé d’une âme et d’un corps et qu’il ait toutes les facultés et tous les moyens de connaître et de se mouvoir. »[58]
Le bien de toute action chez Thomas d’Aquin résulte dans sa proportionnalité à l’existence, à la plénitude de l’homme, et inversement, l’action mauvaise est liée au manque de l’un des éléments constitutifs de la plénitude de l’existence de l’homme. La question qui persiste est celle de savoir à quoi l’on doit conformer son agir. Quel est le critère dans l’accomplissement d’une action ? En effet, Thomas d’Aquin relève que l’homme doit toujours conformer son agir à la raison ; c’est en cela que consiste même le bien de l’homme. Par cette orientation, ce penseur s’inscrit dans la droite ligne de Maïmonide. On peut également prétendre que le rationalisme de Maïmonide doit l’avoir influencé. Dans cette optique Denys, dans son ouvrage portant sur les Noms Divins, affirme que « le bien de l’homme est de se conformer à la raison, le mal est ce qui est contraire à la raison. »[59] En outre, ajoute-t-il, « la différence du bien et du mal, considérée par rapport à l’objet, se réfère directement à la raison. C’est dire qu’elle consiste dans l’accord ou le désaccord de l’objet avec la raison. Ainsi les actes dits humains ou moraux sont ceux qui obéissent à la raison ».[60] 
Il importe de noter que la vertu chez Thomas d’Aquin implique une perfection dans la puissance. Elle est une habitude dont on fait un bon usage. Cependant, cette habitude peut conduire de deux manières à une bonne action. « D’abord en donnant à l’homme le pouvoir de faire une bonne action, ensuite, en procurant en plus du pouvoir d’agir, la faculté d’user correctement de ce pouvoir ».[61] La question qui mérite d’être posée est celle de savoir quelle habitude mérite-t-elle le nom de vertu ? Face à cette question, ce penseur estime que l’habitude susceptible d’acquérir le nom de vertu ne peut résider que dans la volonté, car, soutient-il, « la volonté porte à l’acte toutes les autres puissances qui sont rationnelles ». [62] En somme, bien agir dépend effectivement de la bonne volonté. A la question de savoir si toute vertu est une vertu morale, Thomas d’Aquin répond par la négative. En effet, « une vertu est dite morale en fonction du mot mœurs pris dans le sens de l’élan naturel ou quasi naturel vers une action ».[63] C’est dans cette optique qu’il distingue deux sortes de vertus : les vertus intellectuelles et les vertus morales. « Les premières rendent plus facile l’action de l’esprit, les secondes l’action de la volonté qui est à proprement parler l’action vertueuse. »[64] Les vertus intellectuelles et les vertus morales ont pour fonction le perfectionnement de l’intellect de l’homme selon la dimension de la nature humaine.


III.1.2.  Sur Baruch Spinoza


Deux grandes influences marquent spécialement la doctrine de Spinoza. Il s’agit d’une part de l’influence des doctrines juives, d’autre part de l’influence de la doctrine cartésienne. Selon certains philosophes juifs, en particulier Maïmonide, « l’indivisible simplicité de Dieu est incompatible avec l’affirmation des attributs positifs ».[65] Comme nous l’avons susmentionné, Maïmonide soutient qu’à Dieu ne convient que des attributs négatifs dans la mesure où il reste insaisissable par notre pensée. Dieu est au-dessus de notre façon de penser et de sentir, soutient-il. Spinoza fait sienne cette conception, c’est dans cette optique qu’il formule une critique contre l’anthropomorphisme. Dans son ouvrage portant sur Le problème moral dans la philosophie de Spinoza et dans l’histoire du spinozisme, Victor Delbos soutient que « Spinoza est aux antipodes de Maïmonide sur la question des attributs divins, de notre connaissance de Dieu et des rapports de Dieu avec le monde »[66].  Pour Spinoza,  Dieu a une infinité d’attributs. Pour Maïmonide et Spinoza, « Dieu est la cause première, unique et libre, non seulement de l’existence, mais de l’essence de toutes choses. »[67]
Dans  son Ethique, Spinoza traite spécialement de la vertu, de la raison, et du bonheur. Par l’acte moral, il soutient la « thèse résolument égoïste de la motivation »[68]. Il sied de remarquer que toute activité humaine dérive de l’effort de chacun pour sauvegarder son être et pour croitre sa puissance. Comment évaluer nos actions ? Face à cette question, Spinoza rejette l’évaluation de l’action en termes de bien ou de mal. Pour lui, l’existence des critères normatifs permet de juger les actions. En effet, dans sa conception de la morale, Maïmonide a prôné davantage l’intérêt collectif. A sa suite, Spinoza pense que les motivations de l’agent ne jouent pas un quelconque rôle dans l’évaluation de l’action parce que tous les agents semblent avoir la même motivation fondamentale. Cette dernière est  principalement l’intérêt personnel. Cette observation de Spinoza semble marquer notre société actuelle où l’intérêt collectif n’existe presque plus. Il estime que les agents sont motivés par des intérêts égoïstes. La question qui persiste chez lui est celle de savoir comment déterminer une action bonne ?
Spinoza soutient que « quiconque naît libre et reste libre c’est-à-dire se gouverne par la seule raison, n’a que des idées adéquates et, partant, n’a aucune idée du mal. Si les hommes naissent libres, ils ne se formeraient aucune idée du bien et du mal, tant qu’ils  garderaient cette liberté. »[69] Le bien suprême de l’âme pour Spinoza et Maimonide, c’est la connaissance de Dieu et la suprême vertu de l’âme est de connaître Dieu. L’amour de Dieu est le bien le plus élevé que puisse désirer une âme que la raison gouverne. Il résulte de ce qui précède que Spinoza s’est inspiré du docteur de Cordoue. « Là même où il emprunte, Spinoza fait sienne l’idée reçue en l’approfondissant et en l’incorporant organiquement dans son système ».[70]
En somme, remarquons que la morale de Spinoza est une morale que certains penseurs qualifient d’une morale du bien et de la liberté. Une morale qui a puisé dans l’arsenal juif et particulièrement chez Maïmonide. Cependant il n’est pas question d’affirmer que la source juive reste sa seule inspiration. Comme Maïmonide, Spinoza veut ramener toute science à l’accroissement de la perfection humaine. Notons en outre que la morale de Spinoza porte en elle un idéal concret. Elle ne veut pas se focaliser sur un idéal abstrait. Il prône une morale spécialement destinée à dicter des règles de conduite à l’individu. L’homme, dans la connaissance du bien et de la liberté, doit chercher davantage à être bon et libre. Il doit chercher à conquérir la plénitude de la réalité, c’est-à-dire acquérir la perfection. « La morale de Spinoza est donc tout entière contenue dans la métaphysique et dans la psychologie »[71].

III.2.   LA PENSEE MORALE DE MAÏMONIDE AUJOURD’HUI


III.2.1.  Maïmonide et le problème de la personne

            L’homme agit sur son environnement et sur lui-même à travers son action. Par cette dernière, il se rend compte que tout acte accompli influe sur sa vie. D’où la nécessité d’une réglementation qui peut se traduire par une auto-régulation. Dans cette optique, bien que s’adressant à ses concitoyens, Maïmonide relève que l’« auto-régulation est d’une portée universelle : même si elle concerne avant tout Israël et s’étudie dans la tradition juive, son principe est applicable à l’humanité entière ».[72] Ainsi, à l’universalité de la connaissance correspond l’universalité de la direction morale. Même si les valeurs morales sont des vérités d’opinion, tributaires d’un consensus, comme c’est le cas dans l’éthique de la discussion chez Habermas, nous pouvons prétendre à l’existence d’une moralité fondamentale, accessible à tous les peuples.
Comme la Torah, la Bible reste la seule loi par son excellence propre. Comment concevoir cette excellence ?  « Non certes dans le sens de la perfection absolue, détachée de réalité humaine : du fait même qu’elle introduit un ordre dans la société humaine concrète, on conçoit qu’elle aurait été différente si ses  conditions d’apparition […] avaient changé, mais dans le sens de son adéquation parfaite à la contingence humaine, qu’elle soit guidée vers sa finalité naturelle. »[73] Dans ces lignes apparait la notion de médiété, une notion qui constitue la clé de l’éthique maïmonidienne. Cette notion est évoquée par Maïmonide dans sa conception du juste milieu. En effet, ce penseur soutient que le juste milieu est marqué par deux éléments caractéristiques. Il s’agit de l’horizontalité et de la verticalité. Mais pour comprendre ces deux notions, il faut se reporter chez Aristote qui les avait définies par la notion de la vertu. Aristote soutient que « dans l’ordre de la substance et dans la définition exprimant la quiddité, la vertu est une médiété, tandis que dans l’ordre de l’excellence et du parfait, c’est un sommet ».[74] Ainsi, la notion de médiété renvoie à l’horizontalité. Dans cette notion, Maïmonide fait remarquer que les hommes ne viennent pas au monde dans un état parfait. Cependant, ils sont nés avec la possibilité de devenir parfait à partir de leur disposition individuelle. Ainsi, certains éléments permettent d’y parvenir. Parmi ces éléments, l’on peut mentionner la liberté. 
La liberté est une question fondamentale dans la conduite de l’homme. Elle est le levier primordial du développement humain. Cette notion implique également l’autonomie. Par son autonomie et dans la recherche de sa perfection, l’homme peut atteindre la vérité. C’est dans cette optique que Maïmonide affirme que « tout homme possède une autonomie qui devrait lui permettre de se diriger selon le bien ».[75] Au niveau individuel, la plénitude morale ne peut s’atteindre qu’au prix d’un équilibre, d’une proportion entre les multiples activités. Au niveau collectif, notre société, composée d’individus extrêmement différents, a besoin d’un équilibrage des forces auquel s’emploient les législateurs. Il faut noter qu’en raison des limites, l’individu ne peut pleinement exercer sa liberté sans l’apport d’une aide extérieure.
La liberté de l’homme est-elle effective aujourd’hui ? La situation politique dans certaines contrées montre clairement que ce n’est pas le cas. Et la où le pouvoir politique essaie de la garantir, s’observe une dégradation des mœurs. C’est le cas de la production artistique au Cameroun. En effet, à travers par exemple le type de musique produit et diffusé, la production artistique semble porter atteinte aux mœurs. Des titres tels que « coller la petite » le traduisent à suffisance. Ainsi, la liberté devrait être encadrée par une préparation éthique et par une législation appropriée. C’est dans cette optique que Maïmonide affirme qu’
« il est absolument impossible que la société soit parfaite sans qu’elle ait un guide qui puisse régler les actions des individus, en suppléant ce qui est défectueux et en modérant ce qui est en excès, et qui puisse prescrire des actions que tous doivent continuellement pratiquer, d’après la même règle, afin que la variation naturelle soit cachée par la grande harmonie conventionnelle et que la société soit en bon ordre »[76]
Ainsi, aider l’homme à atteindre sa plénitude, c’est favoriser le développement des différentes perfections qui le constituent. La perfection du corps nécessite à la fois l’harmonie de la société et celle du sujet moral, ensuite la perfection de l’âme. Comme la Torah, la Bible essayera d’inculquer un certain nombre de croyances fondamentales, vraies ou nécessaires. Notre société et l’homme en particulier ont besoin de se ressourcer dans les Saintes Ecritures pour pouvoir lutter contre la dépravation des mœurs. C’est dans cette optique qu’il importe de parler de la fécondité de Maïmonide. Il s’agit de trouver la réponse à la question de savoir en quoi sa pensée morale peut être utile de nos jours. Cette pensée est-elle compatible avec la morale chrétienne ? En quoi cette pensée peut-elle aider dans l’amélioration des conditions sociales et politiques de notre société ? Pour répondre à ces questions, notre réflexion se focalisera sur les plans religieux, social et politique.

III. 2.2. L’importance de la pensée de Maïmonide d’un point de vue éthique et social


L’humain est bon et mauvais volontairement et le divin n’altère en rien sa liberté. C’est dans ce sens que « Maïmonide affirme et défend la liberté humaine, fondement de toute philosophie pratique »[77]. L’homme est incapable d’accomplir le bien pour lui-même en tout désintéressement ou par amour de Dieu. Dans sa vie quotidienne et pour la vie en communauté, l’individu a des devoirs envers son corps et son prochain. L’homme doit entretenir son corps. Comment cet entretien doit-il s’effectuer ? En effet, l’homme a besoin de repos après un moment de travail. Ce repos lui permet de remédier à ses fatigues, de se donner à nouveau des forces et de la joie. Il importe de constater que l’homme d’aujourd’hui, animé par la passion de l’argent n’a plus de moment de repos ; il veut travailler tout le temps pour gagner de l’argent au maximum. Ainsi, l’intérêt matériel est devenu le centre de commandement de l’homme.
En effet, l’homme est devenu comme une machine de production. Cette attitude porte atteinte à sa dignité. Par ses passions, il ruine ses aspirations supérieures. Cependant, cet homme oublie qu’il ruine aussi sa propre vie. Le non respect de la personne porte avec lui des conséquences. Il s’agit, entre autres de la mort avant le terme naturel. L’homme d’aujourd’hui est appelé à la modération de ses passions. C’est dans ce sens que Maïmonide souligne que « l’ignorant considère le plaisir comme la fin essentielle »[78]. Dans le domaine alimentaire il souligne que les lois alimentaires nous éduquent à la maitrise de nos instincts. Elles nous habituent à contenir l’avidité et la faiblesse qu’on éprouve de rechercher ce qu’il y a de plus doux et d’adopter comme  but, la passion de manger et de boire. Elles constituent un exercice d’auto-discipline pour aider l’homme à réprimer son instinct animal à l’égard de la nourriture.
S’agissant de l’usage de la parole, l’homme doit viser le bien. « On se gardera de tout propos léger, de la médisance et de la calomnie »[79]. Force est de constater que dans certains milieux, cette finalité n’est plus recherchée. En effet, l’on observe des médisances, de calomnie et des insultes dans beaucoup de nos milieux. Il s’agit par exemple des expressions telles que : « sorcier », « villageois », « mou fou » … qui passent pour normales dans notre société. Pourtant elles portent atteinte à la dignité de la personne. Maïmonide souligne que le juste souffre de l’injure sans la rendre, il écoute les invectives sans y répondre, il n’agit que par amour et conserve la sérénité au milieu des épreuves. Pour se corriger et s’élever, on pratique l’examen de conscience.  « Les hommes doivent se sentir solidaires les uns des autres ; nul n’a le droit de se détacher de la vie de la collectivité comme s’il existait seul au monde »[80].
Si l’individu ne prend pas conscience de sa responsabilité, l’autorité politique devrait se servir de l’application de la loi pour sanctionner ce comportement. Dans la société, l’homme est responsable de tout dommage provenant de son fait ou de ce qui lui appartient. « De même qu’on punit l’individu, on doit châtier une tribu afin d’empêcher le mal »[81]. On respectera non seulement la propriété, mais l’honneur de son prochain. En plus de la parole, l’homme digne ne doit pas recevoir des présents. Il doit se montrer généreux. Notre société minée par la corruption a besoin de cette qualité. Dans l’exercice de sa fonction, le médecin, par exemple, se doit d’être parfait intellectuellement et moralement, car les connaissances médicales ne lui suffisent pas. Médecin, Maïmonide fut assez ouvert pour penser l’homme comme une totalité dans laquelle l’âme et le corps sont indissociables. Il considère que la maladie résulte de la rupture de l’équilibre. Cet équilibre, physique et mental, sera maintenu chez celui qui saura s’en tenir au juste milieu. Tout déséquilibre entre le corps et l’esprit compromet l’harmonie de l’être humain.

II.2.3. L’importance de Maïmonide sur le plan politique


La morale est intimement liée à la politique. Pour Maïmonide, « le but des bonnes mœurs est le bon ordre de la cité »[82]. Pour cela, « le chef d’Etat prendra pour modèle les attributs divins : la clémence, la longanimité, l’indulgence, l’équité. Il doit suivre la raison et la conscience, ne point céder aux entraînements de la passion »[83]. Il montre que l’imitation des attributs de Dieu se fait plus par l’activité politique que par la pratique des vertus : « il faut que celui qui gouverne la cité, […], prenne pour modèle ces attributs (divins) ».[84] Dans cette optique, Maïmonide pense que l’Etat a pour objet d’améliorer les rapports des hommes entre eux. La question qui se pose est celle de savoir comment ce résultat peut-il être obtenu ? Face à cette question, Maïmonide pense que les autorités doivent en premier lieu supprimer toute forme de violence. Cette suppression permettra à l’individu, contraint de renoncer à son bon plaisir, de contribuer au bien public. Force est de constater que la violence est au service de ceux qui détiennent le pouvoir. Cette attitude prouve leur intention d’y demeurer et de sauvegarder leur propre intérêt.  En deuxième lieu, Maïmonide pense que les autorités doivent faire contracter à chacun des mœurs utiles à la vie sociale, en faisant comprendre à l’individu qu’il n’est pas le centre de l’univers. En effet, la nature de l’homme fait de lui un être essentiellement social. Il mène sa vie en société et il n’existe pas de communauté humaine qui ne connaisse pas de règles. C’est également au sein du groupe que l’on distingue le bien d’avec le mal.
 Il faut noter que l’un des grands problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées réside dans l’application des normes. Au lieu que la loi protège la victime, elle est de plus en plus au service de ceux qui détiennent le pouvoir. Dans plusieurs pays, les lois fondamentales prévoient la séparation des pouvoirs ; cependant, la question de l’effectivité de cette séparation persiste. Ce qui entraine la domination du politique sur le juridique. Il importe de prendre conscience de cette situation, car elle détruit la morale de la société. Or, Maïmonide fait remarquer que « la morale remplit une fonction sociale, est une fonction sociale ».[85] Il relève que toute société est d’abord une organisation de lutte contre la nature extérieure. Ainsi, la prise de conscience et  le retour aux valeurs culturelles permettront aux  hommes de comprendre que la sauvegarde des valeurs culturelles est d’une importance capitale. C’est ce qui leur permettra de se défendre de ce qui les menace. En outre, pour réussir, il faut que la violence cesse au sein du groupe. L’on doit savoir également qu’au sein de la société les hommes se complètent réciproquement, chacun à besoin des autres.

III.2.4. L’importance de la pensée de Maïmonide sur le plan religieux


Le guide des égarés tente surtout de mettre en accord l’enseignement de la Bible avec la philosophie d’Aristote. Dans cet ouvrage, Maïmonide procède à une analyse minutieuse des textes bibliques en essayant d’en découvrir la signification. Pour cela, il s’inspire du rationalisme et de la logique d’Aristote dont il avait pris connaissance dans les traductions et l’héritage des pérudits et philosophes arabes. Grand admirateur d’Aristote, Maïmonide voulut prouver l’union de la philosophie et de la tradition. Par sa pensée, tout homme est invité à la conciliation entre la raison et la foi dans la conduite de sa vie. Cependant, l’homme d’aujourd’hui semble rejeter la foi au profit de la raison. Il est temps pour cet homme de se ressaisir car les deux se complètent.
La figure de Maïmonide porte en elle une forte charge symbolique, soutient Haddad. Cette charge s’incarne dans sa conception anthropologique. En effet, en posant un regard sur la situation que traverse l’homme de son temps, Maïmonide pense que ce dernier est essentiellement confronté à des tragédies. Le phénomène qui traduit cette situation aujourd’hui est celui de la prolifération des sectes religieuses. Certes, ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui ; Maïmonide s’y était penché et avait constaté qu’il était important de chercher une solution au problème de destruction des valeurs issues de la tradition. Remarquons que dans certaines contrées, ces sectes détruisent les valeurs existantes et prétendent apporter d’autres. Tel est le cas de la secte des islamistes radicaux. Pour éradiquer ce fléau, il faut noter que la pensée de Maïmonide se rapproche de celle d’Averroès. Pour l’un comme pour l’autre, on veut déterminer le remède contre l’intégrisme et le totalitarisme religieux menaçant. Maïmonide propose le retour aux Ecritures et à la culture. C’est dans ce sens qu’il arrive à condamner tout fanatisme. Outre ce retour, il prône la tolérance face aux autres doctrines véhiculées dans la culture juive. Cette tolérance est d’une importance capitale dans notre vie actuelle pour justement atteindre l’unité des chrétiens. L’homme d’aujourd’hui, marqué par le fanatisme, doit chercher à s’en débarrasser pour justement favoriser la cohabitation sociale. D’où l’utilité de la tolérance.
La pensée morale de Maïmonide est d’une importance capitale dans la société actuelle. En effet, se basant sur la Bible et particulièrement l’Ancien Testament, Maïmonide fonde sa Morale et fait remarquer que la morale véhiculée par ce dernier ne saurait se limiter dans les seules frontières juives. Cette pensée qui en premier lieu est marquée par la touche d’Avempace a à son tour marqué d’autres penseurs. C’est dans cette optique que nous avons remarqué que Saint Thomas d’Aquin en a été influencé, ainsi  que Spinoza. Cependant il faut remarquer que ces penseurs ne sont pas restés des copistes et c’est pour cette raison qu’à certains points, ils ne partagent pas le point de vue de Maïmonide. En somme, « le terme extrême de la vertu de l’homme est l’imitation de Dieu dans la mesure du possible, c’est-à-dire que nous assimilons nos actions aux siennes ».[86] La perfection suprême est seule de la connaissance de Dieu. Pour conquérir cette dernière, l’homme doit être équilibré dans ses actions. L’homme doit militer pour le bien commun et non son intérêt personnel.  Ainsi, notre société, envahie par l’égoïsme et bien d’autres maux, a besoin de connaitre la pensée morale de Maïmonide et s’appliquer à la vivre au quotidien.

CONCLUSION


Le monde contemporain s’interroge sur le problème de fondement des valeurs. Ces dernières sont les fruits de la croyance. Ainsi, se pose la question morale qui a comme finalité la recherche du bonheur. « Tous les hommes désirent être heureux »[87]. Cependant, comment le devenir ? Aristote y répond en soutenant que « nul ne saurait être heureux sans être vertueux »[88]. Motivé par la formation de l’homme à la vertu et influencé par Aristote, Maïmonide fait une synthèse de l’éthique d’Aristote et de la morale juive traditionnelle. Il veut balayer le chemin de tous les obstacles pour la connaissance de Dieu en analysant l’âme humaine. Dans sa pensée morale, ce penseur ne s’écarte pas de celle des anciens et soutient qu’il existe une morale du point de vue théorique et celle du point de vue pratique. Nos investigations sur ce penseur ont consisté à relever le fondement et le contenu de sa morale.
Dans le premier chapitre portant sur la conception maïmonidienne de l’homme nous nous sommes focalisés sur le fait que les hommes se posent toujours des questions sur la raison de leur existence et sur les règles qui doivent présider à leur conduite. Dans l’analyse de cette question, nous nous sommes rendus compte que plusieurs réponses sont proposées. Cependant aucune d’elles n’arrive à résoudre définitivement le problème, mais chacune présente un intérêt particulier pour l’établissement d’une éthique. Il importe de noter que l’orientation qu’on donne à une éthique dépend d’une perspective que l’homme propose ou adopte. C’est ainsi que la perspective religieuse fonde la morale essentiellement sur le dogme ou sur l’intuition mystique. La perspective sociale, pour sa part, considère l’homme seulement sous l’angle de la collectivité.
Dans le second chapitre, nous avons porté notre réflexion sur la morale théorique et la morale pratique. En effet, Maïmonide distingue deux sortes de morale : la morale théorique et la morale pratique. La première se charge de s’interroger sur ce qui est. La deuxième se focalise sur l’analyse de ce qui doit être. Maïmonide soutient que tous les efforts de l’homme dans les diverses pratiques doivent tendre à acquérir les vertus dianoétiques. L’individu doit devenir rationnel en acte et chercher à posséder l’intelligence en acte. C’est cette attitude qui doit lui permettre de conquérir la fin dernière qui n’est autre que la connaissance intelligible, la passion de Dieu. En s’élevant à cette perfection, l’homme réalise ce qui fait sa véritable essence. Ce penseur note que « dans la jeunesse, les impulsions contrarient le développement des qualités morales et à plus forte raison celui de la pensée pure résultant de la perfection des idées qui conduisent à aimer Dieu passionnément ».[89] Ainsi, une fois que l’intelligence est détachée des liens physiques, elle reste à tout jamais dans cet état de jouissance suprême qui est d’une nature essentiellement différente des jouissances physiques. Pour cela, l’homme immortel est celui qui s’est élevé à la perfection dernière, à la passion des vertus dianoétiques.  Le suprême bonheur, pense-t-il, réside dans la communion avec Dieu, dans cette participation à sa gloire.

Dans le troisième chapitre portant sur l’impact de la pensée morale de Maïmonide, nous avons remarqué que cette pensée est d’une importance capitale dans la société actuelle. En effet, se basant sur la Bible et particulièrement l’Ancien Testament, Maïmonide fonde sa Morale et fait remarquer que la morale véhiculée par ce dernier ne saurait se limiter dans les seules frontières juives. C’est dans cette optique que nous avons remarqué que Saint Thomas d’Aquin en a été influencé ainsi que Spinoza.

En somme « le terme extrême de la vertu de l’homme est l’imitation de Dieu dans la mesure du possible, c’est-à-dire que nous assimilons nos actions aux siennes ».[90]La perfection suprême est celle de la connaissance de Dieu. Pour conquérir cette dernière, l’homme doit être équilibré dans ses actions. L’homme doit militer pour le bien commun et non son intérêt personnel. Ainsi, notre société, envahie par l’égoïsme et bien d’autres maux, a besoin de connaître la pensée morale de Maïmonide et s’appliquer à la vivre au quotidien. En outre, sur le plan politique, nos dirigeants devraient revêtir les attributs divins afin de mettre fin aux maux qui rongent nos sociétés. Sur le plan social, l’homme d’aujourd’hui doit faire recours à la culture et incarner les anciennes valeurs afin de promouvoir le bien commun et la solidarité. Enfin, sur le plan religieux, nous sommes appelés à comprendre que notre vie n’a pas de sens en dehors de Dieu. C’est ainsi qu’on peut soutenir qu’il n’est pas possible de concevoir une morale en dehors de la religion.



BIBLIOGRAPHIE


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1.      Sylvain zac, La philosophie religieuse de hermann Cohen, Paris, Librairie J. Vrin, 1984, p. 197, https://books.google.cm/books?isbn=2711608360, consulté le le 14 /12/2015 à 20h50
2.      S. Nadler, « Acte et motivation dans la philosophie morale de Spinoza, https://philonsorbonne.revues.org/751, consulté le 23/02/2016 à 15h09
3.      Aristote, La morale, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/moraleintro.htm, consulté le 22/5/2015 à 8h25
TABLE DES MATIERES




[1] Aristote, La morale, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/moraleintro.htm, consulté le 22/5/2015 à 8h25
[2] A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 1926.
[3] D. Banon et all., Loi et liberté, Paris, Cerf, 1993, p. 39.
[4] Ibid., p. 40.
[5] M. Vernet, L’homme maître de sa destinée, Paris,  éd. Bernard Grasset, 1956, p. 263.
[6] L.G. Lévy, Maïmonide, Paris, Librairie Félix Alcan, 1932, p. 183.
[7] A. Lalande, Op. Cit., p. 1219
[8] E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, présentation d’Olivier Dekens, Paris, Bréal, 2001, p. 21.
[9] N. Baraquin et J. Laffitte, Dictionnaire des  philosophes, 2ème édition, Paris, Armand Colin, 1997,2000, p.205.
[10] Ibid.
[11]E. Kant,  Op. Cit.,  p. 40.
[12] Leibnis, Gerhardt, VII, 110
[13] J. Joubert, Pensée, Pensée, essais, maximes et correspondance, T. 1, par Paul Raynal, Paris, Le Normant, 1850, p. 86.
[14] G. Fonsegrive, Essai sur le libre-arbitre, sa théorie et son histoire, Paris, Félix Alcan, 1887, p. 307.
[15] N. Baraquin et J. Laffitte, Op. Cit., p. 205.
[16] G. Paulin, syllabus du cours d’anthropologie, IPSJM, 2014-2015, p. 26.
[17] J. Russ, Philosophie : les auteurs, les œuvres, Paris, Bordas, 1996, p.33.
[18] L. G. Levy, Op. Cit., p. 97.
[19] D. Parodi, Le problème moral et la pensée contemporaine, Alcan, p. 148 cité par Maurice Viernet, L’homme maître de sa destinée, éthique et biologie, Paris, Bernard Grasset, 1956, p. 237.
[20] Cahiers juifs, Maïmonide : sa vie, son œuvre et son influence, Alexandrie-Paris, N. 16-17,  p. 66.
[21] Ibid., p.69.
[22] Maïmonide, Traité d’éthique « huit chapitres », trad. fr. Rémi Brague, éd. Descellée de Brouwer, Paris, 2001, p. 47.
[23] Aristote, Ethique à Nicomaque, liv.  I, chap. 8 et suivant
[24] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, trad. de S. Munk, Paris, A. Franck, 1866, p. 460.
[25] Ibid., p. 461.
[26] Ibid., p. 462.
[27] Cfr. Jérémie IX, 22-23.
[28] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, T. 3, Op. Cit., p. 466.
[29] Wolff, jules, les huit chapitres de Maïmonide : ou introduction de la Michna d’Aboth : maximes des Pères (de la Synagogue), in « Revue de théologie et de philosophie et compte rendu des principales publications scientifiques », p. 370
[30] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, T. 3, Op. Cit., p. 179.
[31]Ibid., p. 180.
[32]Ibid., p. 182
[33] G. Haddad, Maïmonide, p. 76.
[34] Maïmonide, Le guide des égarés, T. 3, Op. Cit., p. 463.
[35] G. Haddad, Op. Cit., p. 63.
[36] Sylvain zac, La philosophie religieuse de hermann Cohen, Paris, Librairie J. Vrin, 1984, p. 197, https://books.google.cm/books?isbn=2711608360, consulté le le 14 /12/2015 à 20h50

[37] Ibid.
[38] Ibid.
[39] Ibid.
[40] Cahiers juifs, Op. Cit.,  p. 62.
[41] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, Op. Cit., p. 191.
[42] Ibid., p. 191.
[43] Ibid., p. 203.
[44] Cfr., Deutéronome, VI, 24.
[45] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, Op. Cit., p. 194.
[46] Ibid., pp. 294 et 295
[47] Ibid., p. 401.
[48] Ibid., p. 305.
[49]Ibid., p. 201.
[50] Ibid., p. 203.
[51] Ibid., p. 262.
[52] Ibid., p. 204.
[53] Ibid.,
[54] Ibid., 205.
[55] Maïmonide, le guide des égarés, t. 3, Op. Cit., p. 449
[56] Cfr. Deutéronome, XXI, 7
[57] J. Leclercq, La philosophie morale de saint Thomas devant la pensée contemporaine, Paris, Librairie philosophique J. VRIN, 1955, p. 62.
[58] Thomas d’Aquin, L’être et l’esprit, Trad. de Joseph Rassam, Paris, PUF, 1964, 107
[59] Ibid., p. 108.
[60] Ibid., p. 108.
[61] Ibid., p. 116.
[62] Ibid., p. 117.
[63] Ibid., p. 118.
[64] J. Leclercq, Op. Cit.,  p. 230.
[65] V. Delbos, Le problème moral dans la philosophie de Spinoza et dans l’histoire du spinozisme, New York, G.O.V., 1988, p. 24.
[66] L. G. Levy, Maïmonide, Op. Cit.,  p. 257.
[67] Ibid.
[68] S. Nadler, « Acte et motivation dans la philosophie morale de Spinoza, https://philonsorbonne.revues.org/751, consulté le 23/02/2016 à 15h09
[69] Ibid.,  p. 253.
[70] Ibid., p. 256.
[71] B. Spinoza, Morale
[72] T. ALCOLOUMBRE, Maïmonide et le problème de la personne, Paris, Librairie philosophique J. VRIN, 1999, 120.
[73] Ibid., p. 125.
[74]  Aristote,  Éthique à Nicomaque. Traduction, introduction et notes par J. Tricot., Paris, Librairie philosophique J. Vrin, (1994),  II 6, 1107a, l. 6–7.
[75] T.  ALCOLOUMBRE, Op. Cit., p. 122.
[76] Maïmonide, Le guide des égarés, traité de théologie et de philosophie, t. 2, trad. de S. Munk, Paris, A. Franck, 1861, p. 307-308.
[77] M. Canto-Sperber, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, P.U.F., 1996, p. 894.
[78] L. G. Levy, Op. Cit., p. 197.
[79] Ibid., p. 198.
[80] Ibid., p. 200.
[81] Maïmonide, Le guide des égarés, T.3, Op. Cit., p. 332.
[82] Ibid., p. 392.
[83] Ibid., P. 205.
[84] M. Canto-Sperber, Op. Cit., p. 895.
[85] M. Albin, Encyclopaedia universalis, Dictionnaire de la philosophie, Nouvelle édition augmentée, Paris, 2006, p. 1295
[86] M. Canto-Sperber, Op. Cit., p. 895.
[87] P. Destrée, Aristote bonheur et vertus, Paris, P.U.F., 2003
[88] Ibid.
[89]Maïmonide, Le guide des égarés, T.3, Op. Cit., p. 449.
[90] M. Canto-Sperber, Op. Cit.,, p. 895